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Léonard Martin - Je ne regarde pas de série

Il n’y avait pas de télé à la maison. Je regardais avec beaucoup d’enthousiasme les dessins animés chez ma grand-mère à la campagne pendant les vacances. Je pouvais me lever très tôt pour cela. Même si ce n’était pas une série, le rituel était présent.

Pendant une période mes frères et sœurs et moi regardions Superman à 19h. Je crois que ça passait sur M6 ou canal. C’était un machin un peu ringard avec des couleurs passées et un type avec une chemise à carreaux. L’un de nous sonnait la cloche pour prévenir les autres qui jouaient dans la pâture. On enchaînait avec les Simpsons.

Bien après, à la fin des années 90, mon père acheta un lecteur de VHS et boucha les entrées des prises du téléviseur pour le consacrer au cinéma exclusivement. Je crois qu’il craignait de payer la redevance alors qu’il était contre la télévision.

Il anima un cinéclub familial hebdomadaire à l’occasion duquel il éditait des affiches au fur et à mesure de ses acquisitions filmiques. Il classait et numérotait ses films qui figuraient au catalogue officiel de l’Amélie Palace (nous vivions villa Amélie).

Encore une fois, il ne s’agissait pas de série mais le rituel donnait une forme sérielle aux séances. Qu’allait-on voir la semaine prochaine ?

L’année de mes quatorze ans, le souvenir d’une expérience cinématographique singulière poussa mon père à me faire découvrir « Heimat », la saga allemande de Edgar Reitz. Nous regardions un épisode par soir. Nous suivions la vie d’un village allemand de la Grande Guerre au Mur, le destin d’une famille, les drames personnels. Puis, je découvris « Nos meilleures années » que je regardais par feuilleton.

Je ne regarde pas de série. Ce n’est pas un principe mais une habitude que je n’ai pas. Je vis toujours sans télévision et je préfère voir des films au cinéma ou à la maison.

Dernièrement, ma copine qui aime beaucoup les séries m’a fait découvrir les « Peaky Blinders ». Nous avons regardé quelques épisodes.

Le format m’a plu. Il permet parfois plus de risques et de créativité dans la photographie, le montage ou la mise en scène que dans un long-métrage. Il permet de faire évoluer des personnages ou suscite un « feuilletage » temporel qui m’évoque la littérature.

Je l’assimile à ce qu’on a connu sous le nom de « peinture de genre ». Dans le cas des « Peaky Blinders », il s’agit d’une fresque sociale de la pègre britannique au début du 20ème siècle.

Néanmoins, le sujet semble être interchangeable (lieu, période historique, types de caractères), la trame narrative et les dialogues empruntent des topoï ou des standards qui paraissent intrinsèques au format. Cela peut me déranger quand je sens l’intention accrocheuse et les effets addictifs. J’ai horreur qu’on me serve la soupe.

Visuels : Léonard Martin, Echappée guère (Portrait de Dédale en fichènchip), 2017, installation

production : Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains

Léonard Martin

avec Louise Hémon et Marie Hendriks

11 - 31 décembre 2017


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