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  • Elizaveta Konovalova

Elizaveta Konovalova - Main Basse sur Pepys Road

J’ai demandé à Elizaveta Konovalova de réagir à chaud à la série « Main Basse sur Pepys Road », car un jeune artiste d’art contemporain, qui pourrait appartenir à sa génération, est l’un des personnages. Il m’important d’avoir son interprétation dans l’urgence de l’instant de cette mini série qui allait s’achever. Sa contribution qui fait appel à l’installation de Bertrand Lavier intitulée « Walt Disney Productions », est une belle surprise. C’est aussi l’occasion de republier l’entretien que j’ai réalisé avec l’artiste sur le sujet et sur la question de l’art à propos de l’art.

Mo Gourmelon

J’ai voulu découvrir la série « Main Basse sur Pepys Road » dont vous m’aviez parlé. Je me suis fait très vite entraînée dans l’histoire et j’ai regardé les trois épisodes d’un coup. C’est peut être pour éviter cet effet là que je ne regarde pas trop de séries.

J’ai trouvé que la série était pas mal. Je l’ai bien aimée. Mais lorsqu’on en vient à l’image de l’artiste, c’est quand même terrible. Dans le contexte actuel, que dépeint la série (au nom original « Capital »), l’œuvre d’art se trouve au bout de la chaîne de surenchère de valeur. Tous les événements, les histoires de vies humaines et l’intrigue de la série sont couronnés et soumis au final à ce tableau atroce, qui rapporte à son auteur la fortune et la gloire. Là où le banquier de la vieille école (sans doute un peu snob, mais attachant quand même) échoue, l’artiste est gagnant. Son atelier/bureau est d’ailleurs bien plus chic que le bureau du banquier.

Ce jeune homme, qui par ailleurs est un personnage sympa, s’empare du drame humain, pour le recycler grossièrement, et en faire un produit, un objet. Tout le contenu est aseptisé, annulé par cette peinture aux airs des pires tableaux des kiosques de souvenirs. La démarche est pauvre, spéculative. Quand aux qualités esthétiques de son travail : Eh bien – c’est nul.

J’avais déjà fait cette observation auparavant : le film peut être intelligent, beau, subtil etc., mais quasiment à chaque fois que l’on en vient au thème de l’art contemporain, c’est d’un ridicule désolant, et cela décrédibilise absolument les artistes. Je pense, par exemple, à « La vie d’Adèle », où l’une des protagonistes fait ses études à l’école des beaux arts. À « La Grande Bellezza », avec un épisode où l’on voit une petite fille, que ses parents offrent en spectacle, jeter des pots de peinture sur une toile vierge. Toute la scène se passe devant un public d’élite italienne, lors d’une soirée privée au bord de la piscine. Enfin, ce n’est pas tout à fait la même chose, mais - la pièce de théâtre mise en scène par l’héroïne de « Lalaland », pourrait compléter la liste.

En fait, cette fausse production artistique mériterait d’être reprise par quelqu’un à la manière de

Bertrand Lavier*, qui a prélevé des objets d’art d’une bande dessinée et leur a donné une forme tri-dimensionnelle. Une exposition d’œuvres d’art imaginées par le cinéma.

Peut-être, en est-il de même pour un scientifique, qui est offusqué, ou mort de rire, face à des films qui se réfèrent à la science pour imaginer des scénarios de fin du monde, créer des mutants, des extraterrestres etc. Ou pour un ingénieur face aux premiers films-catastrophes sur les crashs d’avion des années 70 ou 80 – où le héros risquant sa vie monte sur la turbine en feu pour la réparer, alors que l’avion est dans le ciel.

En tout cas, je pense que la série « Main Basse sur Pepys Road » est symptomatique. Alors que de plus en plus d’artistes s’intéressent au cinéma, adoptent son langage, ses formes, ses méthodes, ses modes de diffusion, les cinéastes, eux, ne s’intéressent pas tant à l’art contemporain. Ils le caricaturent, voire le rejettent.

Elizaveta Konovalova

* Bertrand Lavier a réalisé une série de six tableaux conçus d’après des œuvres abstraites publiées dans le Journal de Mickey en 1977, qui étaient censées représenter des productions d’art moderne et contemporain. La série de Bertrand Lavier s’intitule :

« Walt Disney Productions », 2013. Dans cet exercice de citation, de prélèvement, de réemploi Bertrand Lavier faisait preuve d’ironie et de malice en réinjectant des formes incarnant l’art moderne et contemporain, dans ce milieu-là justement, s’en remettant au goût du dessinateur Sergio Asteriti. En 1997, l’artiste avait précédemment présenté les agrandissements des formes imaginées par le dessinateur sous forme de cibachromes et en 2013 il décidait de les peindre.


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